Wednesday 10 December 2008

LA CHINE DANS UN PAYS TROP GRAND

Lin Yutang écrivait déjà, en 1937 : «La Chine aurait préféré être comprise plutôt que d'être qualifiée de grande, et cela aurait mieux valu pour tout le monde.»

Qui donc nous expliquera la Chine autrement que par le «péril jaune» ?
Qui pourrait en être l'interprète ? «Certainement pas les sinologues», assurait Lin Yutang, qui se dépensa pour faire aimer son pays à l'étranger
A peine sortie des années Mao, la République populaire, proclamée le 1er octobre 1949, s'engage au pas de charge sur la voie du capitalisme. La Chine rêve de son avenir, mais n'en oublie pas pour autant son passé et reste très attachée à ses traditions.
Les Chinois viennent de célébrer la fête de la Lune et les Chinois baignent dans leur histoire. Les gens s'offraient des «gâteaux de lune» dont la pâte épaisse renferme, outre des graines de sésame, des billets de voeux rappelant une coutume datant du XIVe siècle mais encore d'actualité : espionnés de près par les agents des Yuan, dynastie d'envahisseurs mongols, le peuple de la capitale cachait dans ces gâteaux des petits papiers de rébellion contre le joug impérial.

En Chine, il convient d'observer la célébration des anniversaires et des non anniversaires, ainsi que la non célébration des anniversaires. Gavés quant à eux de célébrations officielles, les Chinois préfèrent leurs liesses populaires.

Nous autres, Occidentaux, nous nous gargarisons d'avenir, quand les Chinois baignent dans leur histoire. Ils la connaissent par coeur, au sens propre, avec la même précision et la même innocence que s'ils avaient été enfants sous une très ancienne dynastie.

Guidés et protégés d'un séisme à l'autre par leur long et lourd passé, les Chinois ne s'étonnent de rien. Depuis vingt siècles, ils ont vu passer ministres et souverains attachés à réformer leur pays. Le monde extérieur avait le tort de ne pas être chinois : comment respecter au nord, des gens vêtus de peaux de bête ; à l'ouest des nomades nourris de viande crue ; à l'est, un pays de nains ; au sud, des sauvages incultes ? Tandis qu'à la fin de l'empire, les canonnières de l'Occident enfonçaient l'«homme malade de l'Orient», les princes mandchous (Qing) s'accrochaient à la grande tradition du «non agir» et campaient sur un constat érigé en principe : «Que la réalité soit la réalité», le fameux «She Shi Qiu Shi», «Chercher la vérité dans les faits», dont Deng Xiaoping fera cent ans plus tard la clef de sa politique pragmatique.

Au printemps de 1989, tandis que les manifestants de Tian'anmen s'époumonaient aux cris de «Démocratie !», un jeune homme fit irruption sur la place avec ce slogan : «Pourquoi la Chine est-elle encore pauvre ?» Oui, pourquoi les inventeurs de la boussole, du gouvernail, de l'imprimerie, de la poudre, de la ciboulette, sont-ils à la traîne derrière les pionniers de l'automobile et de l’informatique ?

Ce monde rural entre dans l’OMC au prix d'acrobaties défiant toute dialectique. A peine sorti des années Mao, quand l'annuaire des téléphones était secret d'Etat, il est devenu le plus gros consommateur mondial d'appareils portables. Pétrie de taoïsme, de confucianisme, puis de bouddhisme, la Chine doit retrouver sa vocation originelle d'ouverture pour sortir de cinquante années de glaciation communiste, mais elle fonce sur la voie d'un capitalisme sans bornes.


Aimer la Chine avant qu'il ne soit trop tard
Il y a la Chine officielle : sérieuse et austère, elle a le sens de l'Etat. Et puis il y a cette autre Chine, celle qui veut faire fortune vite. Elle est boulimique et excessive.
«La Chine qui va», forte de son milliard et demi d'habitants, est en train de vivre cette aventure unique de la plongée dans la modernité du quart des habitants de la Terre. C'est la Chine de jeunes aux cheveux rouges et au piercing dans l'arcade sourcilière, y compris dans le fin fond du Ningxia ou du Shandong ; c'est la Chine de l'hyper capitalisme où les inégalités s'accroissent ; cette Chine où chacun rêve de s'enrichir et table sur le fait que son enfant vivra mieux que soi (Ah ! si nous autres, Européens, pouvions en être là !) ; cette Chine où chaque jour il y a cinquante mille abonnés supplémentaires au téléphone portable et où un gratte-ciel de cent étages se construit en quatre fois moins de temps qu'il n'en faut en France.

La Chine, qui est déjà l'atelier du monde, deviendra-t-elle l'eldorado des entreprises occidentales ? Là également, ce n'est pas si simple. Car la Chine sait fort bien que, dans tout marché, le pouvoir est du côté de celui qui achète et consomme. D'atelier du monde qu'elle est aujourd'hui, elle pourrait fort bien passer au stade d'usine du monde pour les voitures et les portables et, un peu plus tard, de laboratoire du monde pour les inventions, alors que pendant des millénaires elle les a négligées au point de se les faire voler. Nous, les Occidentaux, nous jouons gros...

Mais surtout, que sera donc la Chine dans vingt ans ? L'auteur de ces lignes est bien incapable de répondre, si ce n'est qu'il conseille à chacun d'aller en Chine très vite, avant que, peut-être, il ne soit aussi trop tard.

Considerez au plus vite à quoi ressemble ce grand dragon. A coup sûr, vous aimerez.

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